JE NE SAIS PAS POURQUOI?
C' est peut-être parce que les mots ne sont pas toujours suffisants pour traduire. C'est peut-être pour cela que j'ai choisi ce langage. Peut-être y a-t-il plus de liberté qu'ailleurs. Peut-être que la forme est moins prisonnière que le verbe ??? Il y a aussi le fait que je n'avais rien appris en sculpture, je pouvais me lancer en toute liberté à bras le corps. Je n'avais pas à respecter une quelconque codification contrairement à mon apprentissage scolaire et social du langage écrit et parlé.
Descartes a dit « je pense donc je suis». Un jour il m'a fallu faire pour être. S'exprimer, laisser une empreinte par un passage à l'acte. Rien ne me prédestinait à cela. C'est une épreuve que l'on se lance. Pouvoir parler dans les arbres et le vent. Reprendre le chemin de nos vies inabouties, au moment où on les avait laissées, pendant l'enfance. Poser son mal-être et en faire quelque chose. Dans la sculpture occidentale, l'art gréco-romain et plus tard la renaissance ont été mis en avant. Pour moi, cela ne représente qu'une vision très parcellaire et réductrice de l'activité artistique. Ces périodes représentent des périodes fécondes mais imposent des codes très stricts : esthétisme (rapport au beau), au fort, au dominateur à la logique et par extension véhiculent des idées de pensée commune, d'ordre et de pouvoir central... Il est des contrées bien différentes que le XX ème siècle a révélé, remis au jour ou tout simplement inventé : L'Art Roman, L'Art Brut, L'Art africain, océanien amérindien et autres. Et toutes ces contrées me parlent car elles s'adressent non pas à une hiérarchie, mais évoquent l'émotion et l'individu. Comment faire vivre le bois, le faire vibrer, de quoi le faire vibrer.
La sculpture est pour moi, avant tout, une histoire. Sans histoire pas de forme pas de vie. Que faire d'une vie sans histoire. Vide, désespérément vide. Sans lien, sans plein. Nous sommes des êtres de pesanteur, lourds et maladroits. Alors comment comprendre la légèreté. La peinture de Matisse m'a toujours étonné «Comment peut-on peindre avec autant de légèreté? ». Quelle blessure à cautériser dans ce geste absurde. Au début on ne sait rien et puis petit à petit cela s'impose, mais ce n'est jamais facile : c'est toujours une épreuve que de se dépouiller. Parfois, souvent c'est au-dessus de mes forces. On perd plus souvent que l'on gagne mais c'est le combat qui contient le mystère pas le résultat.
Picasso disait que peindre était une prière? sculpter aussi. Et il est des prières qui apaisent. Quand au résultat que dire du résultat? Il n'est souvent que ce qu'il est : au pire une fierté passagère, au mieux un essai. Nous sommes enrubannés de notre orgueil et nous prenons pour divin la moindre de nos déjections. Dans nos poitrails gonflés de vanité, seul le soupir est sincère. Quand je revois mes débuts, je me dis que le temps passé est un gouffre, j'aime le bois, je ne saurais dire pourquoi. Branches, tronc, racines tout est fécond.