LA MELANCOLIE DES RACINES
"Le sommeil de la raison engendre des monstres." GOYA
Je crois que cela commence avec Adam et Eve enlacés, ligotés, avec des cordages de marine au portique des lumières en fer noir. Michel a quitté les bois lacérés par l'élagueuse des buissons. Désormais la tronçonneuse, le ciseau, la lime, le papier de verre entrent dans le vif du sujet debout ou foudroyé.
Vif et mort à la fois, car il redonne forme et vie à de gros gabions abattus par les pourfendeurs qui tracent leurs rubans de bitume, d'asphalte fumants pour y faire des rocades, des ronds points avec un petit cercle d'herbes et de jolies fleurs fânées.
Un jour peut-être, ces arbres façonnés par la main d'un homme tétu, retrouveront leur place au milieu des places, au bord des maisons, dans les vergers, les pelouses et les jardins.
Nul besoin d'arroser, laisser faire la patine du temps, comme les Tikis de Gauguin à Tahiti. Michel plantera dans l'air matinal un arbre avec ses racines et ses branches, ses feuilles marquetées, ses loupes de frêne, ses ronces de noyer, ses bubons et ses sexes d'ange. Tant de douceur dans l'écartèlement.
Jean Dauphin, le 15 septembre 2006.